La Libye est liée par un TBI qui a pris effet au moment où il a été notifié au Conseil national de transition (Libye c. Ustay Yapi)
Cette analyse a été publiée pour la première fois sur Lexis+ le 29 février 2024 et peut être consultée ici (abonnement requis). Également publiée sur Linkedin.
Libye c. Ustay Yapi - CA Paris 23.01.2024 - RG No. 21/01507
La Libye a demandé l'annulation devant les juridictions françaises d'une sentence partielle de la CCI Paris assise en date du 30 novembre 2020 sur la compétence rendue dans un litige de construction entre la société turque Üstay Yapi Taahüt Ve Ticaret AS (Üstay) et l'État de Lybie. Le litige porte sur trois projets de construction en Libye qui ont donné lieu à une série de litiges, d'actions en justice et de décisions judiciaires en Libye, ainsi qu'à des tentatives de règlement infructueuses. Üstay a finalement engagé une procédure d'arbitrage sur la base de l'article 8 du TBI de 2009 entre la Turquie et la Libye afin d'obtenir une indemnisation pour des violations présumées du TBI, du droit international coutumier et de l'Accord sur la promotion, la protection et la garantie des investissements entre les États membres de l'Organisation de la Conférence islamique (Traité de l'OCI). La Libye a soulevé des objections sur la compétence devant le tribunal arbitral et la question a été soumise à la Cour d'appel de Paris dans le cadre d'une procédure d'annulation qui a dû se prononcer sur l'entrée en vigueur du TBI, les notions d'investissement et d'investisseur en vertu du traité et a également donné un aperçu de la méthode à suivre par les tribunaux français dans le cadre de la procédure d'annulation.
La Cour d'appel énonce les principes qui doivent guider le juge de l'annulation lorsqu'il est amené à se prononcer sur la question de la compétence du tribunal arbitral fondée sur l'article 1520-1 du Code de procédure civile français "le tribunal arbitral s'est maintenu à tort ou s'est dessaisi" et en précise l'application dans le cadre d'un TBI.
Trois points méritent d'être soulignés :
1 / L'examen ne peut porter sur le fond de l'affaire.
Il n'appartient pas au juge de l'annulation de se prononcer sur la recevabilité des demandes ou sur leur bien-fondé, ce qui reviendrait à réviser la sentence arbitrale sur le fond.
2/ Le champ d'application de l'examen est illimité.
Dans le cadre de son contrôle de la décision du tribunal arbitral sur sa compétence (qu'il se soit déclaré compétent ou incompétent), le juge de l'annulation vérifiera tous les éléments de droit et de fait permettant d'apprécier la portée de la convention d'arbitrage.
3/ Pour appliquer le contrôle du consentement à l'arbitrage dans le cadre d'un TBI, ainsi que pour déterminer la portée des dispositions du traité sur les notions d'investissement ou d'investisseur en particulier, le juge de l'annulation fonde sa décision sur une analyse détaillée des dispositions du texte du traité en question ainsi que du comportement de l'Etat en cause.